Salle du Conseil

[eyani]

Eyani ferma la porte doucement derrière elle. A son entrée, tous s'étaient tus, puis des chuchotements naquirent dans les longues rangées qui lui faisaient face. Ici étaient tous les anges qui gouvernaient son pays, son royaume. Ceux qui l'avaient éduquée, ceux qu'elle avait fuis. Elle pâlit brièvement, puis releva la tête, défiant les vieux anges du regard.

"Comme vous m'aviez mandée, me voilà, anges du Conseil."

Sa voix, qu'elle avait pourtant tenté d'affermir, tremblait un peu quand elle salua ceux qui l'entouraient. Un ange vénérable assis derrière une table au centre de la salle prit la parole.

"Bienvenue, damoiselle, devrai-je dire. Mais comment accueillir une princesse qui fuit ses sujets? Notre dernier enfant rénégat..."

La petite ange sursauta, se hérissa. L'avaient-ils faite venir pour son procès?

"Enfin vous voici, reprit le vieil ange. Le peuple était en détresse, je crois bien. Le Régent est mort, ou a disparu, et votre frère s'est réveillé de son long sommeil. Il est regrettable pour nous de constater que nos deux derniers enfants, malgré la solide éducation qu'ils ont reçue, ne peuvent rester fidèle au Conseil... Je suis au regret de vous annoncer qu'il a dû être enfermé avant de tout fracasser autour de lui."

Le sang de l'enfant-ange ne fit qu'un tour. Elle leva la main et balança à terre le vase à côté du président.

"Votre "éducation"!! Voilà bien le problème!!! Qu'avez-vous fait de lui?"

Des cris indignés éclatèrent dans la salle.

"Comment oses-tu, princesse ingrate??? s'écria une femme d'âge mur, déployant ses ailes avec indignation. Ton frère et toi n'êtes-vous donc que des traîtres?"

Eyani se sentit tourbillonner en l'air, sans comprendre. Elle avait perdu le contrôle de ses actes. Elle fut soudain immobilisée par un ange aux traits fermes. Solan, son protecteur.

"Que tout le monde se calme!! hurla-t-il. Les anges du Conseil ont vieilli! Seriez-vous devenus séniles, vieillards autoritaires? Libérez vos enfants!"

L'agitation se calma, certainement parce que le président, la main d'un autre ange sur la gorge, faisait des signes désespérés vers les conseillers.

"Allez le voir, libérez-le si vous le souhaitez, dit-il d'une voix étranglée. Je le reconnais, nous avons failli. Allez-vous-en maintenant!"

L'ange à côté d'elle rit, d'un rire qui sonna étrangement dans la salle dévastée.

*c'est moi qui ai fait cela?*

"Nous reviendrons, ne vous inquiétez pas. Il est temps de mettre bon ordre à tout ça, fit-il d'un air moqueur. En attendant, que nul ne quitte la salle, mon élève et moi allons libérer ce jeune garçon..."

Tenant Eyani sous son bras, il tourna les talons et quitta la pièce, laissant les conseillers sous la garde de ses alliés.

*C'est une révolution????*

Eyani, hébétée, ne comprenait plus grand-chose. L'ange marchait rapidement vers le sous-sol, vers les prisons...

[eyani]

Hiro et Eyani passèrent la porte dans un silence de mort. Grâce à Solan, les conseillers ne lui lançaient plus ces regards venimeux et se tenaient cois. Arrivés au centre de la pièce, Eyani s'installa, assise sur la table au centre, et commença à parler:

"Moi, dernière enfant des anges, et censément héritière du royaume des cieux, reconnais avoir fui mes responsabilités et mon peuple. Je suis partie, et le Conseil en a profité pour outrepasser ses prérogatives. J'en suis désolée mais la situation est devenue suffisamment grave pour que Solan juge nécessaire d'intervenir."

Son mentor prit la parole, la coupant dans son discours improvisé:

"Eyani, notre petite princesse, a raison. Si elle reconnaît ses torts, je reconnais les nôtres. Nous, membres du Conseil, avons pris le pouvoir qui revenait au Régent, et rendu responsables nos deux derniers enfants des catastrophes qui nous accablaient, sans comprendre que leur jeunesse rendait leurs actions parfaitement compréhensibles. Au nom de tous ceux qui sont ici, je vous présente mes excuses, prince, princesse."

Il s'inclina dans leur direction. Hiro s'avança, sous les murmures de l'assemblée, et parla à son tour:

"Je reconnais aussi n'avoir pas eu les bonnes réactions. Mon long sommeil m'a permis de réfléchir, et si hier j'ai cédé à la colère, je le regrette. La situation mondiale est suffisamment catastrophique pour que les anges restent divisés. Eyani, ma soeur, a vécu sur terre et constaté la situation.
-Sur terre, les créatures des ténèbres se sont renforcées. Une crise est imminente. Les humains sont de plus en plus menacés, et nous avons une urgence. Au moment de votre appel, le Messager a reparu. Kuan-Hador est attaqué. Il est du devoir des créatures de la Lumière d'aider ses éventuels habitants. Ressoudez-vous, anges! Il nous faut un régent, un roi, un dirigeant..."

Elle finit dans un murmure, essoufflée, puis reprit:

"Mon frère et moi sommes prêts à assumer nos responsabilités. Membres du Conseil, c'est à vous de décider. Que faites-vous? Qui doit diriger?"

Une femme d'âge mur, à l'air sage se leva.

"Je crois représenter la pensée de tous ici: le Conseil est à vos ordres. Si la princesse a fui devant la royauté, à cause de son jeune âge, il serait injuste de notre part de la forcer à régner. Nous le comprenons. Nous vous demandons juste de rester la damoiselle des anges.
-Je suis d'accord.
-A Hiro, son frère, plus puissant, parfois moins réfléchi, nous pardonnons les quelques moments d'égarement qu'il a pu avoir, et nous excusons pour son emprisonnement. Héritier légitime, c'est à lui de nous diriger, sous la tutelle de maître Solan.
-Nous sommes d'accord.
-Tout est parfait alors. Que ceci soit rendu public! Que la réconciliation des enfants et du Conseil soit connue de tous! Les anges reforment une nation entière..."

Sous les acclamations de la salle, la dame ange se rassit. Eyani sauta sur ses pieds, Ansu toujours dans ses bras.

"Tout cela est bien. J'accepte l'autorité du Conseil, et celle de mon frère. En tant que damoiselle des anges, je resterai messagère de notre peuple. Ma la situation est grave. Kuan-hador faiblit sous les coups des envahisseurs. M'autorisez-vous à m'y rendre, avec quelques anges en renfort?"

Hiro se leva lui aussi.

"Puisqu'il semblerait que je sois devenu roi... Moi je t'y autorise, et t'adjoins Yann, notre compagnon d'enfance, qui se trouve dans cette salle, comme équipier. Qu'il parte tout de suite prêter main-forte au peuple de Kuan-hador! Toi, ma soeur tu le rejoindras peu après. Tu dois d'abord reprendre des forces, tu tiens à peine debout."

Yann, un jeune ange élancé, se leva et quitta la sallê précipitamment. Eyani s'assit, fatiguée.

"La séance est terminée!"

Les conseillers quittèrent tous la pièce, partant dans un brouhaha de voix mêlées. Epuisée, Eyani s'endormit là où elle était. Solan la souleva sans qu'elle se réveille et la conduisit dans une chambre.